« Les cryptomonnaies pourraient alimenter en armes le grand banditisme, les réseaux djihadistes et les milieux de suprémacistes blancs »


Nathalie Goulet, à Paris, le 29 avril 2020.

Sénatrice UDI de l’Orne, Nathalie Goulet vient de publier un Abécédaire du financement du terrorisme (Le Cherche Midi, 434 pages, 19,50 euros), ouvrage très complet et agrémenté de nombreux exemples sur un sujet assez technique et mal connu.

Sachant que l’attentat du 13-Novembre a coûté 82 000 euros, celui du 14-Juillet à Nice la location d’un camion, et celui contre Samuel Paty rien du tout, la lutte contre le financement du terrorisme est-elle pertinente ?

Il y a une réelle porosité entre les circuits de grande délinquance financière et ceux de financement du terrorisme. Lutter contre l’une, c’est aussi lutter contre l’autre. On ne peut pas laisser tomber, même si c’est difficile, même si le terrorisme a recours à des objets du quotidien.

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Comment fait-on face au terrorisme low cost ?

D’abord, je voudrais souligner que le financement d’Etat du terrorisme a beaucoup diminué et ne concerne plus aujourd’hui que deux ou trois pays, comme la Corée du Nord. L’Arabie saoudite, par exemple, a totalement mis fin à ses pratiques passées. C’est l’effet des politiques mises en place après le 11-Septembre, mais aussi dû au fait que le royaume a été pris pour cible par les terroristes.

Le terrorisme low cost passe beaucoup par des cagnottes en ligne, comme on l’a vu dans l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray [le 26 juillet 2016, le père Jacques Hamel était assassiné dans son église par deux jeunes terroristes djihadistes] ; les dispositifs antifraudes leur ont été étendus. Pour 1 000 personnes qui font une cagnotte en ligne pour offrir un cadeau, fêter un anniversaire, il va y en avoir une ou deux qui vont utiliser ce circuit dans le but d’activités délinquantes. D’ailleurs, l’imam Iquioussen [dont le ministre de l’intérieur demande l’expulsion] collectait par ce moyen pour des réseaux mauritaniens. Ces microfinancements de proximité sont maintenant soumis à déclaration grâce à un texte que l’on a voté un peu au forceps. Tracfin, qui est ce que l’on fait de mieux en France dans le renseignement financier, peut désormais enquêter sur ces cagnottes.

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On parle beaucoup de cryptomonnaie. Est-ce un fantasme ou un risque sérieux en matière de financement du terrorisme ?

La cryptomonnaie est un moyen de pure opacité à la fois du porteur d’une monnaie et de sa dépense. Il va falloir y travailler pour réduire les dangers de cette économie parallèle. C’est d’autant plus dangereux que plusieurs Etats, à moitié défaillants, ont adopté les cryptomonnaies. C’est le cas de l’Ukraine. Quand on connaît la situation de ce pays, sa propension aux trafics d’armes et à la corruption, on peut légitimement s’inquiéter. Cela pourrait alimenter le grand banditisme en armes, tout comme les réseaux djihadistes ou encore les milieux de suprémacistes blancs, qu’il ne faut pas oublier. On a vu ce type de situations dans les Balkans durant les années 1990.

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